Dans le nord du continent, les plus grandes contradictions du capitalisme colonial et raciste sont accentuées et rendues invisibles dans les corps des femmes et des dissidents sexuels, migrants, afro-descendants, indigènes et de la classe ouvrière. Vivre dans les entrailles du monstre, comme Cindy Wiesner de GGJ appelle les USA, ou dans un territoire en résistance culturelle permanente comme le Québec, est un grand défi pour le militantisme et son travail de résistance et d'assistance aux personnes exclues de tout droit. A travers les perspectives de 9 compañeras du Mexique, des Etats-Unis et du Québec, la diversité des luttes dans le nord du continent et la richesse de la marche dans la région sont présentées, ainsi que la signification de l'Ecole Féministe Berta Cáceres MMM Americas. Le Québec : une expérience enrichissante. Trois participantes de la Coordination de la Marche mondiale des femmes au Québec (CQMMF) ont le privilège d'assister à une expérience d'éducation populaire avec des femmes de tout Abya Yala. Parmi elles, Marie-Hélène, qui coordonne les activités du CQMMF. Elle est engagée auprès de la MMF depuis une dizaine d'années et s'implique dans plusieurs organisations traitant de la pauvreté, de l'égalité et des questions écologiques. Marie-Eva et Mya travaillent dans des organisations régionales au Québec. Marie-Eva, de la région Chaudière-Appalaches, s'intéresse particulièrement à l'approche " Par, pour et avec " des femmes qui œuvrent pour la vie associative des membres. Mya, pour sa part, travaille dans la région de la Mauricie où elle est impliquée dans un projet contre la violence domestique. De plus, la délégation québécoise a la chance de pouvoir compter sur la participation d'Emilia, qui s'est impliquée depuis le début du MMF et qui contribue à entretenir la mémoire historique et à nourrir les réflexions sur le patriarcat et le capitalisme. Ils sont tous mobilisés par le MMF. Dès le premier cours, le principe de la justice linguistique a attiré des participantes du Québec. Ce principe affirme la nécessité de s'exprimer et d'écouter dans la langue de son choix, même si la traduction apporte son lot de défis, dont celui de la concentration. La traduction permet d'accéder à une plus grande diversité de points de vue de femmes provenant de plusieurs pays des Amériques. Les participants québécois apprécient la richesse des échanges et les liens de solidarité que l'école contribue à tisser. Selon Mya, "leurs interactions alimentent ma motivation et me permettent de continuer. Dans la même veine, Marie-Eva affirme : "Je découvre la Marche mondiale des femmes sous un autre angle, je suis curieuse d'en savoir plus et je suis constamment fascinée par la sororité" ! La participation à cette école représente pour nous un parcours très intéressant où les femmes évoluent ensemble. Chaque cours est un prérequis pour le suivant, ce qui favorise un apprentissage toujours plus riche et plus complet. La délégation québécoise a été impressionnée par les analyses des autres militants de la MMF qui établissent des liens forts entre l'organisme et le territoire. Les participants québécois ont souligné que leur origine géographique les tenait éloignés des questions d'extractivisme et des conséquences sur les populations et l'environnement. D'où l'importance de la solidarité et de la présentation des analyses de la FMM aux groupes membres. Les participants espèrent qu'une fois l'école terminée, les échanges pourront se poursuivre afin de continuer à apprendre, tisser des liens et réfléchir pour se rassembler autour d'objectifs communs. Les participants québécois ont conclu leurs échanges en rappelant l'importance de la Charte mondiale des femmes, document phare du MMF.
États-Unis, des femmes engagées. La délégation américaine est composée de 5 sœurs de Grassroots Global Justice (GGJ), une alliance de plus de 60 organisations de base de travailleurs, de pauvres et de communautés de couleur qui est née en 2005 dans le feu de la lutte contre l'ALENA (plus d'informations sur https://ggjalliance.org/about/). Yaquelin Lopez, de l'association Women Working Together, nous fait part de son expérience à l'école. "Je m'appelle Yaquelin Lopez et je fais partie de Women Working Together USA -GGJ, je suis une militante communautaire issue de ma réalité de sans-papiers aux États-Unis depuis 20 ans. ... Women Working Together USA est un espace où les femmes peuvent se sentir en sécurité, soutenues et autonomes. Nous cherchons à développer le leadership par l'éducation populaire et à encourager la participation des femmes dans les différents domaines de la société... L'école féministe Bertha Cáceres a enrichi mes connaissances, c'est un espace d'apprentissage avec des femmes de tout le continent, de différents mouvements sociaux et de différentes réalités avec un dénominateur commun : elles apprennent de l'éducation populaire féministe et renforcent les mouvements féministes. Je m'engage à partager avec ma communauté ce que j'ai appris à l'école féministe Berta Cáceres et, à l'avenir, à créer des écoles féministes dans différentes villes de Floride et des États-Unis...".